Ames sensibles s’abstenir. Si les mots « placenta », et « manger » mis bout à bout vous dégoûtent, laissez tomber, passez votre chemin tout de suite, ne lisez pas cet article. Car oui, aujourd’hui, je vais parler des femmes qui mangent leur placenta après avoir accouché. Ca existe. J’en ai rencontré (une).
C’est marrant les hasards de la vie.
Tout a commencé un week-end de glandouille, feu de cheminée et lectures, à base de Grazia, Voici, Oups, et Biba, pas forcément dans l’ordre. Je feuillette les magazines, et je tombe sur cette citation de January Jones : « Si j’ai autant la patate après mon accouchement » [en gros, je schématise, elle ne l’a pas vraiment dit comme ça], « c’est simplement parce que j’ai mangé mon placenta. Je le conseille à toutes les femmes. » « Ah, ah ! », je fais à Monsieur S qui n’est jamais bien loin quand il s’agit de lire Voici au coin du feu, « Ah ah », donc, « ils ne savent plus quoi inventer dans les magazines, franchement, manger son placenta, la meuf, là, elle dit ça pour faire l’intéressante et ils se font avoir comme des bleus, ils publient l’info, paf. Manger son placenta, quand tu es une star américaine en plus, tu manges des graines, des trucs macrobiotiques tout ça, mais personne ne va croire que tu manges ton placenta. Pffff. N’importe quoi » j’ai dit. J’étais limite scandalisée qu’on me prenne autant pour une cruche. Et puis bon, je suis passée à la page suivante et j’ai vu que Lindsay Lohann avait désormais l’air d’avoir 50 ans bien tassé alors qu’elle en a 26 et je suis passée à autre chose.
Et puis l’autre soir, c’est revenu d’un coup, lors d’un diner de potes au restaurant. On était là, une dizaine, à boire du bon vin, à discuter à bâtons rompus sur le sens de la vie, à débattre de politique, du monde comme il tourne, et tout ça, des trucs supers intelligents et limite révolutionnaires quand soudain, j’ai entendu, à l’autre bout de la table, une petite voix toute douce qui disait « Bah moi, après mon accouchement, j’ai mangé mon placenta ». Alors, d’abord j’ai regardé mon assiette d’un œil torve. Heureusement elle était vide. Puis je me suis retourné vers la petite voix.
La déclaration venait de la nouvelle copine d’un copain.
La fille qu’on rencontre pour la première fois, quoi. Qui est là pour faire bonne impression. Qui est sensé nous séduire, nous les potes du copain en question. C’est peut être une technique pour se rendre inoubliable en même temps, je me suis dit, ça marche. Même si leur histoire ne dure pas, on se souviendra toujours de la fille qui avait mangé son placenta. C’est sûr. Mais bon.
Je me retourne vers la petite voix, donc, pendant que Monsieur S me donne un coup de coude en me chuchotant « Comme January Jones » à l’oreille. Et je dis : « C’est une blague ? » Nan, nan, elle a vraiment mangé son placenta, elle explique, pour éviter la dépression post-partum, remettre les hormones à niveau, tout ça. C’est un truc écolo, bio, ça marche super bien, elle dit.
Ah ?
Je n’ai pas poussé la discussion plus loin.
Mais en même temps, je n’ai pas arrêté de me demander : comment ça se passe ? Après l’accouchement, on dit à la sage femme « Mettez moi le placenta de côté, que je le mange plus tard. Merci. » ?
Faut le prévoir à l’avance pour que toute l’équipe médicale soit prête psychologiquement ?
On le garde dans un tupperware ?
On le cuisine aux petits oignons ?
Je sais, c’est affreux, j’avais prévenu les âmes sensibles. Je suis consciente que là, il y a plein d’images mentales qui vous assaillent que vous auriez préféré ne jamais visualiser. Mais c’est comme ça. Moi aussi, les images, je les ai eues, et à table en plus, alors y a pas de raison.
Bref.
Par la suite j’ai fait ma petite enquête. Ca m’a un peu rassurée d’ailleurs. Parce que le placenta, il est transformé en gélules pour être mangé. Tout de suite, c’est un peu plus « impersonnel ». C’est un peu comme le dentifrice Email Diamant fabriqué à base de rouge de cochenille, un insecte parasite. On arrive à se laver les dents avec, alors que si avait l’image de la cochenille devant les yeux, on aurait du mal à ouvrir la bouche. Là, le placenta en gélule, c’est juste des gélules, c’est soft, c’est médicamenteux, ce n’est plus le truc tout ensanglanté sorti de notre corps après l’accouchement. (Images mentales. Hin, hin. J’ai un côté sadique dont j’ignorais moi-même l’existence.)
(Promis, le but de cet article N'EST PAS de faire fuir les trois lecteurs qui sont encore là. Promis. Ou alors, pas consciemment...)
Illustration :
Little Chef 2 by ~horrorqueen-ghoulina on deviantART