Ce qui est compliqué dans le fait d'être célibataire, ce n'est pas la solitude, toute relative, ce n'est pas non plus la difficulté de rencontrer des nouvelles têtes. Finalement, tout ça, c'est assez simple à gérer. Ce qui est difficile, c'est de recommencer à chaque fois. De se dire qu'on est resté un mois, deux mois, six mois avec un homme et que finalement, non, ce n'est pas le bon. Et qu'il faut tout refaire, rencontrer des personnes qui nous plaisent, instaurer une complicité, apprendre à se connaître...
Alors, ce serait chouette d'avoir un moyen de savoir si ça va fonctionner ou non, dès les premiers instants. Ça éviterait de perdre du temps. Ca permettrait aussi peut-être d'éviter les paumés. Parce que, bon, après tout, on n'a pas que ça à faire non plus. Et puis, l'horloge biologique tourne, mince !
Heureusement, il existe plein de trucs pour nous aider. Des scientifiques qui étudient le sujet, des magazines féminins qui nous proposent des tests (êtes-vous sur la même longueur d'onde ? Votre couple va-t-il durer ? Etc.). Et puis, il y a encore plus rapide : la calculette de l'amour. C'est trop bien, la calculette. Trop pratique. Pas besoin de passer des mois avec un type pour savoir si ça colle, dès qu'on le rencontre, hop, un coup de calculette, et on peut savoir si ça va marcher ou pas. Parce que le seul truc dont on a besoin pour s'en servir, c'est des prénoms. Ça, pour gagner du temps, c'est efficace.
Alors, comme je ne suis pas du genre à me laisser avoir par des tests bidons (ou des horoscopes), j'ai essayé avec des relations déjà finie, histoire de vérifier si ça marche. On ne me la fait pas, à moi... J'ai donc tapé « Gwendoline et Special K » dans la calculette. Et ça donne :
« À première vue, il peut paraître surprenant qu'un homme comme Specialk puisse tomber amoureux d'une femme comme Gwendoline, ou vice-versa, puisque les communications affectives entre ces deux prénoms semblent presque inexistantes ». Bon, je sais bien que j'ai choisi exprès des histoires finies pour tester l'efficacité de la calculette, mais ce n'est pas une raison pour être désagréable. Comme je suis particulièrement conciliante, on va admettre que la calculette a raison, allez.
« En fait, cet homme et cette femme sont assez proches l'un de l'autre, car ils ressentent tous les deux un sentiment de solitude inexprimé qui les fait aspirer à la sécurité émotionnelle par l'union avec un autre être. » Alors là, chère calculette, je trouve que tu te mêles un peu de ce qui ne te regarde pas et que tu tires des conclusions hâtives. Je pense que tu devrais quand même faire gaffe à ce que tu dis, parce que là, tu n'es pas très diplomate, excuse moi... Peut-être que pour faire passer le message, il faudrait mettre un peu les formes, histoire de ne pas être blessante. Parce que là, je te préviens que tu commences un peu à m'énerver avec tes jugements péremptoires, et que ce n'est pas très bon si tu veux que j'ai confiance en tes jugements par la suite.
« Ainsi, le perspicace Specialk va-t-il peu à peu s'apercevoir que la hautaine Gwendoline, sous ses airs de suffisance et d'ambition froide, souffre en silence d'un besoin d'affection. » Je n'aime pas du tout cet usage abusif des adjectifs. Je crois que je hais cette calculette et que c'est réciproque. Mais comme je trouve ça bizarre qu'on puisse haïr une fille comme moi, je re-teste avec Monsieur S :
« Monsieur S est tout d'abord séduit par cette femme, qui a l'air de savoir ce qu'elle veut dans la vie, et qui lui semble également si douce et si féminine. En fait, même si Gwendoline est calme et réservée, Monsieur S ne doit pas en conclure pour autant qu'elle sera malléable et obéissante : ce serait une grave erreur. Cette femme est tout sauf docile ; elle est autoritaire et ne déteste pas commander. » Ca pourrait presque être flatteur si ça s'arrêtait à "malléable et obéissante", parce que ouais, j'ai du caractère et je trouve ça vachement bien. Malheureusement, ça se transforme en "autoritaire" ce qui est tout de suite beaucoup moins sympathique. Je crois malheureusement que ça se confirme et que la calculette persiste dans la voie de sa haine de moi. Je ne comprends pas bien pourquoi et ça m'attriste. Je trouve ça injuste.
« Monsieur S saura vite déceler sous la froideur apparente de Gwendoline un profond sentiment de solitude et une vive sensibilité ». J'aimerai expliquer à la calculette que je vais bien et que je ne me sens pas seule, mais j'ai l'impression qu'elle restera campée sur ses positions. J'ai envie de crier « Je ne suis pas seule, je suis libre ! Je ne suis pas trop sensible, je ne suis pas une fiotte ! ». J'ai envie que la calculette m'aime.
« Côté sexe, pourquoi pas ? Gwendoline cache, sous des airs guindés, un réel appétit sexuel, ce qui ne peut pas déplaire à Monsieur S, à lui dont la fougue se contenterait mal d'une partenaire trop délicate ». Entre deux crises de larmes, je réussis à articuler que je ne suis pas guindée et que la calculette se trompe sur mon compte. Qu'elle doit confondre avec quelqu'un d'autre. J'avoue que j'ai du mal à comprendre tant de haine envers ma personne.
Suite à ça, (j'ai beaucoup souffert) j'ai décidé de ne plus voir la calculette, de rompre tout contact avec elle. J'ai décidé que ça n'allait pas être possible entre nous. Ça ne me fait pas plaisir, mais c'est comme ça. Et je suis très déçue.
Illustration :