Quand j’étais ado, j’avais plein de blocages débiles. Bien sûr il y a eu, comme tout le monde je crois, le passage du baiser avec la langue « beuark, c’est dégueulasse, c’est mouillé, erk, erk », mais ça, à la limite, ça passe assez vite. Une fois qu’on a essayé on trouve généralement ça plutôt pas mal, bizarrement.
Après, une fois que j’ai eu des mecs, passé la vingtaine, j’ai continué à avoir des idées bien précises de ce que je cherchais chez un homme. On en discutait avec mes copines et ça donnait des conversations très profondes à base de : « Alors, moi tu vois, les mecs avec des poils, tu vois, je supporte même pas », « Ouais t’as raison c’est trop répugnant les poils », « ouais, moi si un mec il a des poils qui dépasse de sa chemise, même pas je le calcule, tu vois », « ouais trop pareil », « et je ne parle même pas du ventre » « oh mon dieu les mecs qui ont du bide c’est l’hooorreur ! hin, hin ! ».
Dès fois aussi, on partait dans des réflexions vachement poussées sur le thème de la politique et des hommes par exemple, du style : « moi, si un mec me plait et que je découvre qu’il est de droite, je crois que ce ne sera plus possible entre nous. De DROATE, nan mais, même pas la peine ! », « Ouais c’est clair, ou encore pire si il est comptable, t’imagine, ou carrément facteur ! », « hin hin, un facteur avec son vélo, trop la loose, le mec, même pas je pourrais le respecter, tu vois », « ouais et puis pour la thune à la limite je préfère encore un comptable ou un banquier je crois… bon, sauf s’il est de droite, c’est sûr ».
Après, on se disait qu’on n’aimait que les bruns (moi et mes copines on n’a jamais regardé les blonds, ou presque), grands et musclés, mais drôles aussi, avec de l’esprit, et puis intelligent. Parce qu’un petit gros bête et méchant on n’en voulait pas. Clair.
Il y avait un seul thème où je faisais ma rebelle, c’était les vêtements. Quand mes copines elles disaient « ouais moi il faut que le mec, il soit bien habillé, mais pas spécialement en costard, tu vois, juste un beau jean, un beau pull, la classe, quoi, mais mode », ou « je ne supporte pas les mecs en jogging », ou encore « un mec qui met des SLIPS, même pas il rentre dans mon lit ! Ou alors, il faudra que je me cache sous la couette pour rigoler », moi je disais « bah les fringues, je m’en fous en fait » (plus tard j’ai appris qu’un mec ça se relooke hyper facilement en plus, donc j’avais plutôt raison de ne pas m’attacher à ce point précis).
Bref. Tout ça pour dire que dans nos jeunes années, moi et mes copines on se laissait un champ très réduit pour chasser le mâle. Ca la foutait mal de présenter un type qui ne corresponde pas aux canons de beauté. Dans la réalité pourtant, on ne sortait pas vraiment avec Brad Pitt, mais on visait haut (et puis, comme ça ne durait pas très longtemps, on n’avait pas le temps de les présenter alors ça allait, on ne se tapait pas la honte).
Aujourd’hui, quand j’y repense, je me dis que j’ai loupé plein d’occasions avec mes barrières dans la tête. Aujourd’hui, surtout, il est bien sûr important que l’homme m’attire, mais c’est rarement avec des critères physiques aussi précis que son charme va opérer sur moi. Aujourd’hui, j’ai pris conscience que j’attirai en majorité les petits, et ça me convient plutôt bien. Aujourd’hui je trouve les cheveux gris plutôt sexy, et je ne me formalise pas sur une bedaine qui dépasse un peu, ni sur un poil qui pointe sous la chemise.
Aujourd’hui, en fait, je n’ai plus vraiment de critères. Ca explique sûrement pourquoi aujourd’hui, j’ai beaucoup plus de succès que dans mes jeunes années.
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